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A chaque orage

à partir des textes La pluie d’été de Marguerite Duras
et L’Écclésiaste traduction de Henri Meschonnic
 
une pièce sonore de l’atelier hors champ

Générique

 

Réalisé par Frédéric Tétart, Pascale Nandillon en collaboration avec Sophie Pernette

 

Avec les voix de Samantha Bertre, Anastassia Bertre, Ismaël El Bou, Alexandre Gasse–Sabourdy, Stevens Henry, Fari M’bengue, Tarsika Mohammed, Fama Niang, Diakhou Niang et Christophe Besnard, Danièle Desvilles, Ghislain de Fonclare, Christine Lemercier, Rémy Mombrun, Sophie Pernette, Catherine Racinne, Danièle Robelin, Pascal Toutain, Claire, Hanife, Ilknur, Nazmiye, Sahime, Selma, Zacharia Ouedraogo, Adijà, Maria, Jean-Paul Panguere, Naïma, Fakhri Chebbi.

 

Enregistrements, mixage Frédéric Tétart, Pascale Nandillon

Enregistrements additionnels Frédéric Tétart, Jean-Paul Bernard, Jean-Jacques Palix

Musiques Haydn – Les sept dernières paroles du Christ, Quatuor Talich (Piste 1), Jean-Christophe Marti, La Neva (piste 2), composition et interprétation

 

Réalisé à L’espal dans le cadre d’une résidence de l’atelier hors champ, 2009, avec le concours de la Ville du Mans, du Conseil Général de la Sarthe,

de l’ACSE et le soutien du Cercle des Mécènes

 

 

 

Présentation

 

 

“L’instituteur : Le monde est loupé, Monsieur Ernesto.

Ernesto : Oui. Vous le saviez Monsieur… Oui… Il est loupé.

L’instituteur : Ce sera pour le prochain coup… Pour celui-ci…

Ernesto : Pour celui-ci, disons que c’était pas la peine.”

Marguerite DURAS – La pluie d’été

 

 

À chaque orage

 

Cette pièce sonore est une variation polyphonique à partir de La pluie d’été. Elle traverse le texte en collectant des morceaux, des mots isolés extraits des scènes et des didascalies. La scène de la création de l’univers y revient comme un refrain ouvert, poreux, attirant dans sa rotation une multiplicité de micro-motifs extraits du roman : l’école, Dieu et son absence, l’origine, la figure de la mère, ce qui manque, la connaissance, l’amour pour la soeur, la musique…

 

Buée de buées a dit le sage buée de

buées tout est buée

Henri Meschonnic - L'Ecclésiaste

 

Tout à coup, Ernesto voit devant lui la création de l’univers. Mais “le monde est loupé”. L’univers est trouée comme le livre : une chose manque dès l’origine, une seule chose, qu’on ne sait pas dire. Les refrains du texte de l’Écclésiaste dans la traduction de Meschonnic, trouée et pleine de vent, creusent les silences et les questions. Trous blancs du texte comme des équivalents aux trous noirs de l’univers et à la brûlure centrale du livre.

 

“Un vent qu’on ne peut pas attraper, qui ne s’arrête pas, un vent de mots,

de poussière, on ne peut pas le représenter, ni l’écrire, ni le dessiner”

Marguerite DURAS – La pluie d’été

 

C’est une multiplicité de voix d’enfants qui reconstitue le récit d’Enesto, comme une fratrie invisible, une communauté. Duras nous rappelle que chacun est discrètement en intelligence avec le monde, le vent, les chants d’oiseaux, la pluie, les herbes folles. La connaissance, c’est ce qui circule et contamine le réel. Le contenu du livre, son intelligence, se propage partout et n’appartient à personne.

 

La Neva

 

Le chant de la mère, la Neva, circule tout au long des deux pièces sonores.

 

“La mère a oublié la langue de sa jeunesse. Elle parle sans accent comme les populations de Vitry. Elle se trompe seulement sur les conjugaisons. Il lui reste de son passé des consonances irrémédiables, des mots qu’elle paraît dérouler, très doux, des sortes de chants qui humectent l’intérieur

de la voix, et qui font que les mots sortent de son corps sans qu’elle s’en aperçoive quelquefois, comme si elle était visitée par le souvenir d’une langue abandonnée.”

Marguerite DURAS – La pluie d’été

 

La Neva, c’est cet air qu’on fredonne sans savoir d’où on le connaît, qui charrie les Histoires, les époques, et serpente entre les paysages. Les questions de la langue à l’oeuvre, de son origine, ses errances, son oubli et sa transmission, sont au coeur du roman. Duras y convoque souterrainement les voix des peuplades anciennes et les villes bibliques. Même si elle ne fait pas explicitement référence à Babel, la famille d’Ernesto, la mère Hanka Lissovskaïa, le père Émilio, mélangent librement les langues maternelles et les origines. 

 

La Neva est la langue reconstituée de la mère, le chant de son histoire libérée.

 

Le texte de l’Écclésiaste était pour nous cette langue archaïque qui rassemble toutes les communautés autour d’une expérience partagée de la vie, d’un constat lucide sur l’ouvrage des hommes. Nous avons demandé à des femmes et des hommes du quartier de traduire et d’enregistrer des extraits de l’Écclésiaste, à partir de La pluie d’été ou de la version de Meschonnic, dans leurs langues parlées, africaines, moyen-orientales, maghrébines… Dans ces langues parfois oubliées gisent des chants, des berceuses, des Nevas.

 

“Ça avait été pendant cette nuit-là, pendant la longue Neva pleurée de la mère que tomba sur Vitry la première pluie d’été.” 

Marguerite DURAS – La pluie d’été

 

 

 

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